GAVARNIE - L’INTÉGRALE PAR ALOÏS : J'y vais mais j'ai peur

        ALOÏS, ces cinq lettres résonne dans ma tête comme un prénom familier, semblable à un comte merveilleux que l'on raconte aux enfants, à la fois fascinant et effrayant.

Cette langue de glace verticale prône fièrement à la frontière des 3000m au sommet du Colosseum de Gavarnie et laisse rêveur quiconque ose la fixer du regard.


La cascade en question , la plus marquée 

Désir de tout Pyrénéiste, elle est bien plus qu'une voie difficile à gravir, elle est une aventure à partager.

Jamais je n'avais eu l'arrogance de la convoiter, considérant qu'il me manquait encore de l'expérience, et disons le, cela m'arrangeait bien qu'elle reste au stade de "rêve" pour le moment. 

Et pourtant je ne cessais d'y penser.

Puis vient ce beau matin ou Marco me fait comprendre qu'il aimerait que je l'accompagne pour ce voyage.
J'accepte donc sans la moindre hésitation, l'innocence aidant ma prise de décision.


Vu des 3 étages quelques semaines plus tôt

La cordée qui nous suit descend à son tour d'Aloïs

L'avant veille de notre départ nous faisons un "tour de chauffe" au cirque en gravissant les deux étages.
Nous nous retrouvons alors au pied de la bête, plus impressionnante que jamais.

Je la regarde avec un paradoxal mélange de respect et d'insolence, et cherche déjà les lignes de faiblesses qu'elle pourrait nous dévoiler.

Elle m'intimide.

*
*

      Il est 4h00, ma pénible sonnerie me sors brusquement de mes rêves, je crois que j'étais déjà la haut.
Nous sortons doucement de notre léthargie, et déjeunons machinalement.
Dans 3h nous mettrons nos premiers coups de piolet dans le bas du 1er étage, premiers d'une longue série ...


Flo se réveille dans "FREEZANTE",
 les mollets chantent ..

Marco en passe de sortir du 1er étage

L'excitation augmente encore d'un cran lors de la marche d'approche, le jeu de lune de cette nuit là nous permet d'apercevoir parfaitement la déesse des lieux, elle semble nous regarder approcher, nous jauger.

Puis vient le moment tant attendu, le début de l'aventure, le premier coup de piolet. 
Maintenant c'est par le haut qu'il faut avancer !

Nous nous hissons à la lueur de nos frontales le long du 1er étage par la voie "FREEZANTE" plutôt sur la gauche du cirque.

Marco mène la danse pour cette partie.
Rapidement nous nous rendons compte que le poids de nos sac jouera à tort sur l'état de nos mollets ...

Nous nous retrouvons rapidement sur la banquette du 1er étage, plus que deux.


Flo prend la main au départ de "MITOLOGICO"





Flo dans la 3ème longueur du second étage,
la glace est clairement moins bonne dans cette partie

Pour la suite de l'itinéraire nous choisissons de passer au plus simple (moins difficile) par "MITOLOGICO", c'est à Flo de prendre les rennes. 

Début d'après midi, nous sommes au pied d'Aloïs :

    - "Flo tes pas chaud qu'on fixe les deux longueurs d'artif ? 
Ce sera ça de gagné pour demain ..

   - Si tu veux mais on va d'abord se pauser 5min au bivouac pour manger un bout." 

La pause a durée 15h ...




Acquisition du Airbnb,
 on s'est fait avoir ..

Sauf pour le "chambre avec vue"

      Il est 6h30 lorsque nous nous réveillons, bizarrement nous avons bien dormi dans notre petit nid neigeux...
Bon d'accord ce n'est pas Riglos un 25 mai, mais la nuit fut tout de même agréable !

Seulement...

Seulement j'ai peur, cette peur qui prend aux tripes et qui ne te relâche pas, cette ligne m'effraie et m'omnibule tout à la fois.
Pourtant totalement irrationnelle, je ne parviens pas à la contrôler.

Marco fidèle à lui même accepte cette décision, une cordée c'est à deux, il ne veut rien m'imposer et me laisse tergiverser avec mon esprit ... 

Après une réunion de crise dans mon cerveau la décision est prise, le DG de la partie "tu vas regretter" a le dernier mot, on y va.

Il faut parfois savoir mettre le pieds à l'étrier !


Flo dans la 1ère longueur d'artif


Marco dans la seconde,
 se rapproche doucement de la glace ...





*
*

    Et en parlant d'étrier... 

Pour pouvoir toucher cette glace immaculée il nous faut d'abord parcourir deux longueurs d'artifs.

Nous retirons les crampons / gants sortons les friends et je m'y colle pour la première.

La longueur commence par 10m de traversée sur un terrain particulièrement pourri et improtégeable. 
Il faut grimper sur des œufs, plus je m'éloigne du relais plus le palpitant s'emballe.
J'ai la curieuse et désagréable sensation de pouvoir arracher une prise à n'importe quel moment. 
Je vois dans le regard de Marco une tension communicative.

Il ne s'agirait pas de tomber maintenant...

OUF, j'arrive enfin à un spit qui vient me protéger d'une vilaine chute, la pression retombe d'un cran.
La suite de la longueur en artif s'avérera rapide et beaucoup moins stressante, j'irais même jusqu'à y prendre plaisir !

Marco se chargea de la longueur suivante.

Un spit récemment ajouté change clairement la physionomie de cette longueur, en dépit des dires du protagoniste on peut aisément le clipper depuis le bas, et il protège la sortie au relais. 
Le crochet s'avère donc inutile en ce jour, l'éthique Pyrénéenne en prend un coup ! 


Nous arrivons donc à la mythique transition rocher / glace. 


Marco tout sourire crispé


Flo tout concentré crispé

Comme nous sommes suivi par une cordée de Français venu réaliser la course à la journée (chapeau les gars), j'envoi mon joker devant, il sera bien plus rapide que moi dans le glaçon.

Outre le fait que la raideur n'est pas à négliger, le mieux pour grimper détendu est de ne surtout pas regarder derrière, le cirque semble vouloir avaler ses banquettes ... 

150m de glace quasi verticale plus tard, nous nous retrouvons au sommet de la belle ALOÏS, elle nous a laissée passer.


Gaz gaz gaz ...





Les derniers décimètres de la belle "Aloïs"

Face au Vignemale nous partageons une accolade d'une sincérité unique.
Les mots n'ont que peu d'importance et les regards en disent long sur notre joie d'être ici ensemble.
Nous sommes la ou nos yeux de petits aventuriers nous ont un jour portés, notre plénitude est totale.

Cet instant vaut de l'or et je vais intimement le garder pour moi.


Et maintenant ?


Maintenant il semblerait que "les Conquérants de l'inutile" prennent tout son sens.

Il va nous falloir descendre tout ce que l'on vient de monter, sans même gravir le moindre sommet, juste pour ce moment partagé entre copains...


Exceptionnellement, ça mérite un seflie !




3h30 de descente et une quinzaine de rappels plus tard et nous sommes de nouveau au pied du cirque, 

La boucle est bouclée, l'aventure se termine ici.


Mille fois merci et bon anniversaire mon pote !

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