Ciao Raymond

Salut Raymond,

Ce soir j’arrive pas à dormir.

Comme une « bouffée délirante » j’ai l’odeur du calcaire chaud qui me remonte dans le nez et plein de souvenirs qui s’empilent dans un coin de mon cerveau.

J’ai besoin de t’écrire pour trouver le sommeil, et te rendre humblement un dernier hommage.
La nouvelle m’a secoué et rappelé à quel point le temps passe vite, impalpable, insondable, injuste..

Il pleut des cordes ce soir, ce genre de soirées sans grand intérêt pour toi.. le calcaire ne sera jamais sec demain et en plus la salle de l’UPPA sera fermée !

Ce soir les fissures de la Matûre déversent des larmes de pluie.





11 ans putain …

11 ans que je t’ai dit « mais oui, promis que je t’amènerai faire une belle grande voie, je prendrai le temps ! », l’élève pour amener le maître, l’histoire était pourtant belle.
Un passage de témoin que je n’ai pas su t’offrir, un temps que je n’ai pas su prendre.
Tu avais un seul souhait, aussi simple soit-il, je n’ai pas pu le réaliser.

Ce soir je te jure que je me mords les doigts de ne jamais plus avoir vu ta Renault Talisman arriver sur le chemin de mes parents.
Je serais même prêt à goûter ton pic-nic aux sardines et à grimper en Mythos pour m’excuser de mon égoïsme, c’est pour te dire !

Je me souviens parfaitement de ma première grande voie avec toi, c’était en 2010, à la Matûre tu te doutes bien.
J’étais impressionné… quelle ambiance ici !
Avec les deux Raph et mon frère le rendez-vous pour aller tater le calcaire Aspois est rapidement devenu hebdomadaire.
Chaque journée de beau temps était une bonne raison pour s’évader de la morosité du lycée et s’envoler pour de belles aventures verticales.

Tu m’as appris ces années là les règles du jeu pour côtoyer les vautours et caresser les nuages.
Je n’ai plus jamais arrêté d’y jouer et aujourd’hui je transmets ta passion, je crée comme tu l’as fais pour moi, de nouvelles vocations.







Je crois qu’en 14 ans de pratique régulière de la montagne je n’ai plus vu quelqu’un d’amoureux du rocher comme tu l’étais.
L’Amour au sens large, inconditionnel, irrationnel, intemporel …
Tu ne grimpais pas sur le rocher, tu le caressais.
Tu n’allais pas « croîter » une voie, tu la parcourais.
Les cotations importaient peu, la gestuelle primait.
Tu savais entendre les silences de la montagne, tu la respectais et la choyais comme ton être bien-aimé.
Tu n’avais fais qu’un avec ta montagne, cette femme aux milles facettes, ta « 4ème épouse ».

En 2012 tu m’as sauvé la vie.
Lors des rappels, au deuxième relais de la voie « Astérix & Péryl » dans ton fief, j’ai passé 5 minutes en solo sur cette vire de 30cm.
Lorsque tu es à ton tour arrivé en rappel à ma hauteur, tu m’as subitement plaqué contre la paroi en me disant d’une voie non rassurée « vache toi P’tit Flo » !
J’y pense depuis à chaque fois que je me pends sur un rappel.

Je pense que tu es la première personne à qui j’ai confié, à 17 ans, le souhait de devenir un jour secouriste en montagne et guide de haute montagne.
Malgré mon évident manque d’expérience à cette époque, tu n’en as jamais douté.
Alors j’ai foncé.
Je me souviens de cette réponse que tu m’avais faite lorsque je t’avais parlé de mes rêves « j’espère que tu continueras quand même de grimper avec moi... ».

Cette réponse ce soir m’emplit de tristesse.

J’espère que là-haut les parois sont belles et que tes doigts et tes chevilles ne te font plus mal.
J’espère que tu y trouveras ton jardin d’Eden et que tu auras des amis avec qui partager la corde.



Merci pour tout ce que tu m’as apporté Raymond.


Ciao l’ami.




Commentaires

  1. Bel hommage à Raymond que je reconnais bien dans tes mots. C était un bénévole de la montagne comme il n' en existe plus.

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  2. Salut Flo, joli hommage. A bientôt

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  3. Très beau texte Flo, qui reflète bien l'engagement et le partage de Raymond. Le monde de l'escalade béarnais perd un bénévole dévoué et la Mâture son jardinier en chef

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  4. Texte très émouvant.
    Merci.
    Thibault Gaffet.

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  5. Très bel hommage. Merci pour lui.

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  6. Bonjour Florian,
    Mon oncle aurait beaucoup aimé ton joli texte.
    Je suis ravi qu'il ait pu partager et transmettre sa passion, et que tu puisses faire perdurer son amour pour la montagne et le caillou.
    Amicalement,
    Nico.

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  7. Bonjour Florian, je suis Annie la petite sœur de Raymond, beaucoup d'émotions en lisant l'hommage que vous lui rendez. Je suis fière de mon frère et vous remercie pour ce très beau texte.

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  8. Florian, je suis la nièce et la filleule de Raymond. ton texte est aussi magique et magnifique que le regard de Raymond dès qu’il regardait nos montagnes pyrénéennes et notamment le pic du midi d’Ossau. Merci pour ce bel hommage si touchant et que j’espère qu’il voit de là où il se trouve aujourd’hui ❤️

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  9. Bonjour Florian, je suis Martine la seconde sœur de Raymond. Quel beau texte vous avez écrit avec ces magnifiques photos. Merci Florian. Raymond heureux dans ses montagnes et parmi vous ses amis de cordée. Quel bel hommage lui avez vous fait.

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    1. Bonjour Flo
      Amie de la famille
      Quelle belle image de Raymond …à chaque mot chaque phrase ,je le vois dans cette vie de montagne que vous partagez ,pendant qq belles années
      Merci Flo

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