VIGNEMALE - COULOIR DE L'Y : Un pas dans le Pyrénéisme

Depuis le temps que j'avais en tête d'aller faire un tour dans ce couloir, il aura fallu quelques années pour que les planètes s'alignent.

Plusieurs fois remis à plus tard, il était temps de rendre visite à cette petite légende, qui, disons-le, fait rêver/frémir nombres de montagnards ! 


Flo sous le passage du bloc coincé


Plusieurs raisons à cela, la première est sans aucun doute le manque de d'infos / répétitions (raison valable jusqu'à février 2020, beaucoup de sorties depuis), le topo et la cotation annoncée doivent également jouer leurs rôles dans la création de ce mythe et pour finir une face nord du Vignemale reste mythique pour tout pyrénéen(e)s qui se respecte.

Je trouve que l'introduction de Passages Pyrénéens concernant la voie décrit parfaitement l'itinéraire : " Magnifique course mixte. Moins soutenue dans l'ensemble que l'Arlaud-Souriac mais avec des passages bien plus durs..."

La rédaction de cet article pourrait totalement s'arrêter là tant la description est précise et concise.

Cependant ce joli couloir mérite amplement quelques lignes de plus !

La première ascension du couloir par Jean et Pierre Ravier les 28 et 29 mars 1965 fut réalisée en évitant la glace ... Dur à croire aujourd'hui, mais à l'époque la glace était clairement l'ennemi des alpinistes, elles étaient encore loin les broches light !

La première ascension du couloir comme on le connaît aujourd'hui fut quant à elle réalisée par Serge Castéran accompagné de Luc Petitjean le 13 juin 1986, soit 21 ans plus tard ...

Encore une fois, les frères Ravier avaient créés une faille spatio-temporelle dans l'histoire du Pyrénéisme.


A l'attaque de L1 et sa longueur de glace






56 ans et quelques jours plus tard c'est Victor et Flo qui se lance dans l'aventure.

Un petit dodo au Pont d'Espagne et nous voilà partis au beau milieu d'une nuit étoilée à marcher en direction du refuge des Oulettes.

Nous ne sommes pas vraiment pressés et savons de source sur que nous aurons une cordée de 3 devant qui est partie du refuge.

Plusieurs petites loupiotes seront d'ailleurs devant nous, toutes parties du refuge, et seul 3 d'entre elles prendront la direction de l'Y.

Info vérifiée, merci l'indic !

Quelques heures de marche plus tard et nous nous retrouvons au lever de soleil au niveau de la rimaye, nous ne le savons pas encore mais le passage de celle ci s'avérera être la partie la plus délicate de la voie, et de loin.

Après quelques tentatives de passages infructueuses, la seule issue nous saute aux yeux, il va falloir que Victor monte sur mes épaules pour pouvoir grimper sur ce mur de neige inconsistante.

Bien chanceux que je suis, le jeune guide n'avait pas affuté ses crampons !

Avec une attitude Ravieresque, Victor se hisse sur mes épaules, crampons au bord des tempes et réussi à planter ses 2 piolets dans la neige, les 2 pieds suivent rapidement et Victor se retrouve à se débattre tel une truite en forêt dans cette semoule sans cohésion.

J'ai à peine le temps de me reculer pour l'assurer que je le vois me régaler d'un magnifique plat dos digne d'une finale de saut acrobatique au J.O.

Après avoir réalisé un protocole commotion sur Vivi pour être sur qu'il ne devienne pas cinglé en pleine face nord, nous répétons l'opération pour cette fois ci en sortir gagnant !

Une fois passé la rimaye à mon tour (avec l'élégance d'un saucisson pendu chez Lahouratate), nous filons à toute berzingue rejoindre le pied du couloir à proprement parler car les cailloux commencent déjà à siffler dans le bas du Gaube.


Piolet + spindrifts = onglets,
c'est une nouvelle fois vérifié







Nous sommes rapidement au pied du premier ressaut et rejoignons l'échappée de 3 qui nous devançaient à R0.

Chose pas étonnante dans le petit monde de la montagne Pyrénéenne, ce sont des potes !

La première longueur en glace, très sympathique au demeurant, nous plonge doucement dans l'ambiance assez austère de cette face nord.

Nous patientons quelques minutes au relais le temps de laisser nos amis prendre un peu d'avance, nous en profitons pour mettre un peu de musique et inventer 2-3 chorégraphies pour nous réchauffer !

Les longueurs s'enchainent plus aisément que ce que nous pensions (le couloir était certainement en bonne condition, dur de comparer), quelques pas un peu plus coquins (la cheminée malcommode par exemple) pimentent l'ascension.

Nous nous retrouvons assez rapidement au dessus de la dernière et très jolie difficulté qu'est le bloc coincé et filons rejoindre le sommet par 200m de pente de neige.




2 légendes se regardent ...


Une petite pause casse-croûte à admirer la beauté des lieux et nous nous retrouvons 1h15 plus tard au refuge des Oulettes, prêt pour les 2h de marche en plein soleil !

D'un avis très subjectif, je trouve que ce couloir est clairement moins soutenue que l'Arlaud, les difficultés sont plus dures certes mais concentrées. 

Les cotations et l'exposition (sujet très sensible car lié aux conditions en hiver), me semblent un peu surestimés, ce qui contribue à la légende de cette belle course.

Aucun long passage improtégeable comme on peut le lire par endroit, le bloc coincé se protège correctement également, sans grimper 6m au dessus du point et avec un n°2 comme plus gros friends.




En bref, un couloir à aller visiter pour son ambiance et son histoire, de très beaux passages à grimper, pas facile mais pas terreur non plus, un must dans les Pyrénées, à faire et refaire !

Merci Victor pour la bambée et le super wrap au sommet !


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