Ouverture de "délit de fessier" dans la célèbre face nord du Permayou
Milieu de nuit - mardi 3 mars,
C'est angoissé, préoccupé et aussi disons-le un brin excité que nos 3 acolytes s'endorment dans la partie supérieure de la cabane de la Laiterine (Ossau Valley), après une exténuante et tout aussi périlleuse marche d'approche.
Bien conscient qu'une page de l'histoire de l'alpinisme est en passe de s'écrire, et que l'on ne se retrouve pas dans un Guérin par hasard la moindre minute de repos se doit d'être savourée pleinement avant l'assaut final.
Qui sait ce que la montagne nous réservera demain ?
Revenons un peu en arrière ...
Fin d'après-midi - mardi 3 mars,
Nous attaquons la montée au camp II.
Les sherpas nous ont laissés depuis maintenant quelques heures et nous évoluons plutôt rapidement sur ce glacier chaotique et tourmenté, nous gardons cependant un œil sur les sévères séracs de la Ténèbre d'Isabe.
Le départ tardif est stratégique, et pour cause nous gardons tous en tête l'échec de la tentative polonaise l'année précédente dû à une avalanche sous le camp II, nous avons donc attendu que les températures baissent afin d'éviter tout désagrément de ce type.
L'histoire se déroule comme prévu jusqu'au moment ou, durant la traversée d'un puissant torrent, Florian glisse des 2 pieds et se retrouve à tomber violemment sur son épaule.
Plus de peur que de mal, ce n'est qu'une sévère luxation, et d'un coup de sang-froid il se remit l'épaule dans le bon axe dans un cri virile et robuste.
Nous le savons bien, nous sommes montés un peu trop vite en altitude, et notre mal de tête ce soir ne cesse de nous le rappeler.
Une folie pour certains, une hérésie pour d'autres, nous avons décidés d'un commun accord de ne pas dormir au camp II (la cabane de Cujalate) et de monter directement au camp III (la cabane de la Laiterine) afin de tenter le sommet le lendemain.
Ce foutu créneau météo ne nous a pas laissé le choix.
En effet les perturbations s'enchainent et le vent de sud (le jet-foehn) balaye les hautes cimes Ossaloises amenant son lot de sable saharien et autres exotismes radioactif néfastes à la réussite de notre expédition.
Notre créneau avant la prochaine tempête sera de 12h et pas 1 minute de plus d'après notre routeur météo basé en bas de vallée à Laruns, à 2 jours de marche (petit village encaissé au pied du glacier du Bitet).
La saison de la mousson semble être particulièrement précoce cette année, et nous avons d'ailleurs eu vent arrivés au camp III des échecs des expéditions russes et kazak sur la montagne voisine, l'Ossaurakoram 3.
Une opération de secours était d'ailleurs en cours pour venir aider 2 alpinistes bordelais victime d'un MAM au Col de la Fourche.
Qu'à cela ne tienne, il en fallait plus pour impressionner nos 3 protagonistes et le réveil était programmé quelques heures plus tard pour nos vigoureux alpinistes béarnais.
Mercredi 4 mars - début de matinée,
Après un départ à la frontale et quelques heures de marche, nous arrivons au pied du couloir tant convoité.
Nos poumons brûlent, le subtile mélange d'écobuage et de Césium 137 présent dans l'atmosphère nous empêchent d'avancer extrêmement rapidement comme nous avions l'habitude de le faire, nous venons d'entrer dans la célèbre zone de la mort.
Nous devons nous cantonner à du 1200m/h, et sentons désormais pleinement le manque d'oxygène affaiblir notre organisme, il va falloir faire vite.
Ce n'est qu'en entrant dans les entrailles de la montagne que nous nous rendons compte de l'ampleur de la tâche à accomplir.
Impressionné et à bout de souffle, Mathieu balbutia ces mots :
"la paroi déjà pas vraiment verticale, ne se redressait finalement pas tant que ça", ou quelque chose du genre.
Xavier, le plus habitué d'entre nous à la haute altitude et en ex-fumeur le moins sensible aux particules radioactives décida de mener la marche dans ce gigantesque entonnoir de neige.
Les centaines de mètres défilent et nous nous retrouvons rapidement sous le crux de la voie "le Giraudet step".
Avec courage et abnégation, Xavier décide de se lancer dans ce passage délicat et exposé qui nous promet à son issue notre heure de gloire et pourquoi pas ce dont nous rêvions tout les 3 secrètement, le piolet d'or.
Après un combat acharné, de multiples frayeurs pour le leader et un froid glacial pour Mathieu et Flo au relais, le libérateur "relais-vaché", vient de sonner le glas, nous allons sortir de cet enfer de glace.
Nous partons donc avec Mathieu dans cette ultime longueur et prenons un maximum de photos afin de pouvoir inonder les différents réseaux sociaux et groupes Facebook en tout genre de notre exploit sans précédent.
Alors qu'il grimpait devant moi, Mathieu enleva un piton et me dit "mieux vaut un pas plus exposé qu'un piton en plus, surtout si ce piton il est à moi".
C'est la deuxième envolée lyrique prononcée par Mathieu ce matin là, et je commence à le soupçonner d'être en manque d'oxygène...
Heureusement nous allions rapidement perdre de l'altitude et la descente n'était plus qu'une question de minutes.
Nous arrivons au sommet euphoriques et épuisés, NOUS L'AVIONS FAIT !
"On l'a eu ce salaud" me dit Mathieu !
Malgré notre joie d'être là haut, il nous fallait maintenant penser à la redescente, nous le savions tout les 3 une autre course nous attendait.
Celle ci, (certainement dû à notre forme physique, notre connaissance du terrain et notre expérience) se déroula sans encombre.
Nous arrivons 24h plus tard à Laruns après une nuit au camp II.
Jeudi 5 mars,
Les échos de notre exploit se firent rapidement savoir dans la vallée (Instagram aidant), nous fûmes peu surpris de voir l'engouement des journalistes à notre égard.
Quelques jours de récupérations plus tard et après avoir récupéré l'usage de mes doigts gelés, je peux modestement écrire ces quelques lignes pour vous conter notre aventure.
Toutes les histoires ont une fin et celle de "délit de fessier" s'arrête ici.
Quel engagement !!!!
RépondreSupprimerMême sans rien y connaître, on s'y croirait presque dans l'Himalaya Ossalois