De la Norvège à l'Andalousie, chronique d'un raid atypique.
Il y a des raids à ski qui sortent de l'ordinaire, des destinations qui, lorsqu'on les prononcent, ne respirent pas (ou plus) la glisse.
La Sierra Nevada, en plein cœur de l'Andalousie, en fait pleinement partie.
C'est un concours de circonstances qui nous a amenés là-bas, un raid à ski dans ces contrées ne se prévoit pas, il s'improvise.
Et pour cause, malgré des pentes parfaitement taillées pour le ski, il manque désormais très régulièrement la matière première pour mettre de la forme à nos rêves, la neige.
Ce mois de mars 2025 a vu de nombreuses tempêtes taper le massif et l'enneigement est redevenu très correct en altitude (presque 10 ans que le massif n'était pas aussi rempli d'après les locaux).
Nous devions initialement nous rendre au pays de l'or blanc, la Norvège.
Un rêve pour tout le groupe, dont moi.
Malheureusement, un hiver catastrophiquement doux touche le secteur où nous avions prévu d'aller et nous contraint à changer nos plans en dernière minute.
Alors nous avons dû faire ce que beaucoup de personnes qui aiment voyager à ski font, s'adapter.
J'ai pleinement compris ces phrases que j'avais entendues durant ma formation de guide il y a quelques années "tu devras t'adapter en permanence".
Effectivement, passer d'un raid en Norvège à l'Andalousie, il y a un gap !
2900 km à vol d'oiseau exactement...
Explications sur la situation, déception généralisée, d'innombrables appels et échanges WhatsApp, on passe à deux doigts de l'annulation totale de notre séjour et ... pourquoi pas la Sierra Nevada ?!
L'idée ne fait pas l'unanimité au départ, et pour cause, il est très compliqué de trouver des infos (récentes) sur le massif pour la pratique du ski de randonnée, et une des seules options pour dormir en altitude, le refuge de Poqueira, est fermé pour travaux.
C'est donc jouable, la neige est présente, mais la partie logistique & organisation s'annonce corsée.
La deuxième partie du métier de guide, celle derrière un ordinateur, m'ouvre grand ses bras.
Après plusieurs heures à étudier la carte du coin, chercher des départs skis aux pieds (ou presque), passer des appels, réinitialiser 35 fois Météo Blue, j'arrive enfin à 2 jours du départ à proposer à mes acolytes un raid digne de ce nom, enfin je l'espère...
Je les préviens donc que ce raid risque de rentrer dans la légende, mais je ne sais pas encore pour quelles raisons.
De leur côté, la motivation d'une aventure au Sud de l'Espagne semble finalement être bien présente.
Ils s'investissent à fond dans l'organisation et me soulagent d'une partie du boulot de logistique.
En pleine saison, c'est une réelle bénédiction.
Samedi :
Cela fait maintenant 10h qu'on roule à travers des paysages désertiques.
Burgos, Madrid, Jaén et enfin Grenade.
La route est longue mais clairement dépaysante et me change de la traversée vers les Alpes.
Alors que nous passons Jaén, nous apercevons enfin les premiers sommets de la Sierra Nevada enneigée.
Elle est bien là.
Demain nous skierons avec vue sur Grenade et la Méditerranée, quelle drôle d'idée !
Une nuit réparatrice à Niguelas, petit village au pied des montagnes nous sépare de nos premiers virages Andalous.
Dimanche :
Je ne l'avais pas parfaitement anticipée cette piste que je croyais roulante ...
1h00 à se faire brasser en minibus pour atteindre notre point de départ à 2100m.
Pat' nous montre tous ses talents de conducteur de l'extrême, digne d'une émission NRJ 12 un mardi à 15h.
30min de portage et nous chaussons nos skis.
La montagne et ses pentes douces s'offrent à nous.
Mise en jambe difficile après la journée de route de la veille.
Nous atteignons tout de même le Pico Caballo (3011m) et la très bonne surprise fut la descente sur une moquette à poil court d'une facilité déconcertante a skier.
Moquette que nous retrouverons quotidiennement durant le raid, tout comme la bière qui s'en est suivi.
Lundi :
Nous quittons Niguelas pour Pradollano, LA grosse station de la Sierra Nevada.
De multiples péripéties sur la route nous retardent et nous arrivons assez tard à la station.
Tant pis, il va falloir s'adapter !
Nous arrivons tout de même à faire du super ski de printemps sous une chaleur accablante.
Pas de haut sommet aujourd'hui mais du très bon ski !
Le soir, je reçois un appel.
Un CRS du secours en montagne à perdu la vie lors du secours d'un alpiniste, décédé lui aussi.
Claque, retour à la réalité.
S'aérer, respirer, penser à la famille, aux proches, aux collègues, à cette vie arrachée, bien trop tôt.
Mes pensées naviguent entre ce raid en cours et la douleur immense qui touchent tous ses proches de l'autre côté des Pyrénées.
Un magnifique métier, parfois terrible.
Un vide, voilà ce que nous laissons, trop souvent.
Mardi :
Nous avons décidé d'un commun accord de prendre un forfait à Pradollano afin de monter plus vite en altitude (3300m quand même) et de facilement et sans efforts basculer sur la partie la plus enneigée du massif.
De là nous collons les peaux sous les skis et partons en direction du Pico Cartujo (3152m) où une magnifique descente de 900m parfaitement homogène nous attends.
Quelle chance d'avoir cette qualité de neige !
Le soleil brille sans relâche et notre teint au bout de 3 jours en est le reflet.
Une belle journée de ski se termine.
Tapas, sangria, et nombreux fous rires animent notre dernière soirée à Pradollano.
Mercredi :
Route Pradollano - refuge Postero Alto où nous arrivons (grâce à la conduite impeccable de Guy cette fois ci) en minibus !
L'endroit est incroyable, un véritable havre de paix.
Seulement il manque quelque chose ...
La neige.
Cette partie du massif, pourtant Nord, semble subir le réchauffement en cours plus rapidement que la partie Ouest où nous étions.
Il va falloir ... s'adapter ! (ça faisait longtemps).
La mauvaise météo prévue jeudi et vendredi nous aide à prendre la décision finale, on abrège le raid et aujourd'hui sera notre dernière journée dans la Sierra Nevada.
L'idée de porter les skis trop longtemps en démotive certains qui partiront profiter d'une belle randonnée et feront connaissance avec les bouquetins ibériques.
D'autres, sacrément déterminés, veulent prendre les derniers virages que la montagne peut leur offrir.
Nous ne portons finalement les skis que 40min, bonne surprise.
Des langues de neiges providentielles nous permettent de naviguer dans cette végétation aride.
Nous atteignons un sommet à 3100m et savourons la vue sur les faces Est de l'Alcazaba et du Mulhacen.
La descente est une nouvelle fois très bonne, et le ski toujours aussi atypique et plaisant.
Nous partageons une dernière soirée tous ensemble dans cet étonnant refuge.
Les blagues fusent, les fous rires ne sont pas retenus, ce groupe d'inconnus il y a quelques jours partagent désormais une histoire en commun.
Celle du raid en Sierra Nevada 2025.
Merci pour la confiance malgré les multiples contraintes, à la montagne pour ce qu'elle a pu nous offrir et sincères pensées aux proches d'Olivier.
Hasta luego !
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